Une odeur de papier parcheminé qui sature l’atmosphère. De légères poussières, fragments de plumes pailletées, voletant devant les yeux de l’observateur attentif dans les rayons de lumière qui tombent des ouvertures. Elles sont nombreuses dans un établissement pareil, étonnamment propre avec autant de volatiles partout. Des gloussements, des caquètements, parfois un chant plus harmonieux envahissent les oreilles de la musicienne. Heureusement que sa tylton est là, posée sur un perchoir emprunté aux résidents des lieux, pour lui apporter un peu de réelle musique fruit de leur travail commun. Ici tout est pensé pour les pokémons oiseaux, elle est donc la seule à avoir accompagné son humaine. Pour une fois qu’elle peut se réchauffer pendant une de ces fameuses activités d’hiver, Mira ne se prive pas de gazouiller en s’emmitouflant dans ses ailes de nuage avec l’air le plus satisfait du monde sur le visage. Cela reste prodigieux d’entendre le moindre cri qui ressemble à des treilles sur une partition parfaitement exécutée.

Les doigts de violoniste s’égarent sur la coquille à ses côtés. Pour une fois elle n’a pas confié son nouvel oeuf à un autre de ses pokémons, et l’a plutôt placé sur la table tout proche de son travail. Maintenant qu’Alice l’a depuis un moment, et si elle parvient à faire taire ses angoisses au sujet d’élever encore un bébé, elle doit bien avouer qu’elle est curieuse de découvrir son contenu. Les couleurs de l’oeuf ne lui évoquent absolument rien, ce qui n’est pas très surprenant si on pense au petit nombre d’espèces présentes à l’état sauvage à Rhode. Ce qui est plus intéressant en revanche, c’est que Wendy n’a pas non plus été très inspirée en découvrant la coquille, et c’est un mystère en soi pour une dresseuse qui a vu et capturé tant de pokémons différents. Quand elle pense à la collection de sa petite amie, Alice sent parfois l’angoisse monter encore. Mais son oeuf lui est inoffensif au moins tant qu’il n’a pas éclos, alors elle peut bien le caresser de temps en temps.

Mais il faut tout de même revenir à son travail, elle n’est pas venue juste pour admirer les oiseaux. La dresseuse blonde se replonge dans la montagne de lettres auxquelles il faut encore répondre, ce qu’elle prend beaucoup plus de plaisir que prévu à faire. Bien sûr ce n’est pas toujours évident de déchiffrer les écritures enfantines, peu assurées, trop larges ou si petites qu’on doit coller son nez à la page, presque droites avant de plonger vers la fin de la page, ou simplement couvertes de tâches un peu partout. Mais la coordinatrice resterait bien des heures entières dans un lieu délicieux parce qu’il ne comporte pas le moindre pokémon sauvage, juste des dressés qui savent se tenir. Aucune espèce envahissante n’a eu l’idée de venir ici contrairement à son théâtre, et cela fait une énorme différence.
Pour tout ce qu’elle a réussi à lire il s’agit de répondre maintenant ! La jeune fille se creuse la tête pour chaque lettre à envoyer, il ne faut pas briser la magie pour les enfants sans faire exprès, ou répondre à côté. Elle essaie de se souvenir de ses premières années, de ce qu’elle aurait voulu qu’on lui écrive. Fort heureusement sa pratique de l’archet et de quelques autres activités artistiques au quotidien l’aide à avoir une écriture soignée pour ses réponses, encore faut-il choisir le papier et tout le reste ! La quantité de matériel à disposition est impressionnante, entre les différentes feuilles, les enveloppes, les stylos et encres de toutes les couleurs, plusieurs sortes de paillettes et de sables brillants, sans compter les tampons pour décorer, les étiquettes colorées… La coordinatrice passe un temps fou à choisir des décorations harmonieuses pour chaque lettre, et les heures s’allongent le temps qu’elle puisse présenter une pile de réponses propres et considérer avoir fait sa part de travail. A dire vrai il y a tellement de courriers à faire que la montagne n’a presque pas l’air d’avoir diminué, et pourtant la pile d’Alice est respectable.

Elle en fait la remarque à Mira sa tylton, qui a un sifflement ressemblant à un rire et un mouvement du corps pareil à un éclat de joie. L’oiselle aime apparemment voir son humaine se consacrer à des activités qui lui plaisent, les faire bien, et le lieu doit aussi lui convenir bien sûr. Mira observe aussi l’oeuf qui attend d’éclore avec un regard des plus doux, sans doute une fibre naturelle qui se réveille. Alice a beaucoup grandi depuis son arrivée sur l’île, et sa première pokémon est seule pour savoir à quel point. Dans cette atmosphère de fêtes la tylton se sent bien, si bien et même heureuse qu’elle déploie ses ailes lorsque sa dresseuse se lève. Une nouvelle force grandit dans cet oiseau de nuage, un dernier cri mélodieux comme un opéra tout entier se fait entendre, et la lumière blanche la prend.
La pokémon replie des ailes bien plus grandes après quelques instants, relève un cou autrement plus long, et de ses yeux bordés de longs cils observe son humaine violoniste. Enfin, la nouvelle altaria lance les notes les plus harmonieuses qu’Alice n’ait jamais entendu. Oubliant totalement sa peur des pokémons pour le moment, la jeune fille vient la caresser longuement, lui disant mille mots doux presque à l’oreille. Pour un peu elle aurait presque oublié aussi de rendre sa belle pile de lettres, ou son oeuf sur la table peut-être.