Une mission thématique au Vieux Os m’attendait, aujourd’hui. Je me demandais bien pourquoi Camille m’avait proposé d’effectuer cette mission en particulier. Et pourquoi m’avoir choisi comme partenaire de mission. Nous n’avions échangé que quelques mots, pourtant, la première fois que nous nous sommes vus. Peut-être était-ce le début d’une nouvelle amitié pour moi. Cela n’était pas plus mal. Avant d’arriver sur Ankora, j’étais plutôt solitaire. Je n’en souffrais pas spécialement, puisque je n’étais jamais vraiment seul, finalement. Mais entre n’avoir que quelques connaissances et collègues, et avoir de véritables amis avec qui passer des moments inoubliables, le fossé se creusait. J’étais attaché à une poignée de personnes, sur cet île. Et je n’échangerais ça pour rien au monde.

Yarilo, c’était vraiment la porte à côté. Dans le sens où mon Drattak n’eut pas à voler très longtemps pour me faire atterrir jusqu’à ce village, si on peut l’appeler ainsi. Nous avions atterri à l’entrée du village avant que je ne la fasse revenir dans sa Pokéball. A la place, je laissai se promener à mes côté mon Queulorior, puisqu’il serait en quelque sorte l’étoile artistique du moment. Et puis, bien sûr, Kallistei la Verpom, puisqu’elle semblait d’être entichée de la Ptiravi de ma collègue de soirée.

J’arpentais les rues à la recherche des Vieux Os, puis… je tombai par chance sur Camille. Et donc le bar. Une chance que je ne me sois pas perdu. Il aurait été dommage que je me perde dans un si petit village. Quoique je m’étais perdu aux étendues vertes, à mon arrivée. Mais cela n’était pas le sujet.

Arrivé au niveau de la jeune femme, la Verpom sauta de mon épaule pour sauter sur la Ptiravi joyeusement. Encore heureux qu’elle n’était pas bien lourde. Il ne faudrait pas qu’elle l’incommode.

« Bonjour. Oui, j’ai tout ce qu’il faut, allons-y. »

Je me dirigeais vers l’entrée des employés, et empruntai une cabine personnelle pour me changer. Je portais un costume sans manche brun par-dessus ma chemise blanche à manches longues. J’avais également une cravate ambrée assortie à mes yeux. Quant à mes cheveux, je les attachai exceptionnellement en un chignon assez discipliné. J’avais toujours quelques mèches qui retombais sur mon visage, mais comme je ne pouvais rien y faire, je ne me battis pour contre celles-ci.

Une fois sorti de la cabine, j’attendis que Camille en ait terminé pour commencer à me diriger vers l’intérieur du bar, observant son intérieur à la recherche du lieu où nous devions animer notre atelier. Le Queulorior avait hâte de s’y mettre, à en voir son engouement.

Camille aussi avait fourni un sacré effort vestimentaire. Et je dois dire que je ne m’attendais pas à ce qu’elle en fasse autant. Certainement qu’elle était très soigneuse comme jeune femme. Une qualité que les clients apprécieront. Je suppose qu’un client n’aimerait pas se retrouver face à un employé débraillé et laxiste. Du moins, j’imagine.

« C’est joli. », me permis-je de lui avouer, sans sous-entendus.

Je n’avais pas vraiment de problème à dire ce que je pensais, même si pour le commun des mortels, un compliment pouvait être pris comme de la séduction ou quelconque politesse hypocrite. Je le pensais vraiment. Des vêtements soignés, cela mettait toujours en valeur une personne.

Alors que Camille me prévint qu’on allait pouvoir se mettre au travail, elle fut interrompue par la vision d’un Pokémon en particulier. Un Crèmy. Un Pokémon de Galar. Elle ne semblait pas en avoir déjà vu auparavant, d’où son étonnement. Il est vrai qu’un Pokémon ressemblant à une goutte de crème galaroise pouvait paraître surprenant. Mais chaque région avait ses Pokémons farfelus, finalement. Kanto avait bien des roches dotées de deux gros bras et d’un visage.

Si ce Pokémon était un prank ? Eh bien… Aucune idée. Pas à ce que je sache. Mais je comprenais sa surprise. Par ailleurs, elle ne réfléchit pas longtemps avant de le capturer. Cela me donnait une idée, tiens. Si jamais j’en recroisais, je pourrais en capturer un pour agrandir la Pension de Soren. Il avait une sorte de collectionnite aiguë, d’après ce que j’en constatais. Mais il faut dire que j’avais de nombreux Pokémons, moi aussi.

« Aucun problème. Nous ne sommes pas pressés. »

Je l’aidais à installer les toiles, ainsi que certains chevalets pour les plus grandes d’entre elles. Je me demandais si nous aurions beaucoup d’intéressés, ce soir. Je disposais soigneusement les pinceaux de différentes formes et tailles sur une des tables pour que chacun puisse se servir. Je suppose que tout est parfait pour le moment.

Le claquement d’une porte attira mon attention. C’était un grand Pokémon qui venait d’entrer. Il semblait méfiant. Mais que venait faire un Pokémon sauvage dans une auberge de son plein gré ? Mon Queulorior ne se fit pas prier pour aller à sa rencontre et lui proposer de participer à l’atelier de peinture. S’il s’était montré réticent et empli de méfiance dans un premier temps, il finit par accepter timidement d’y participer.

« Voilà notre premier client, on dirait. », souriais-je doucement, amusé par la situation.

Le Queulorior se mit à peindre sur la toile quelques feuilles d’arbres, ayant au préalable trempé le bout de sa queue dans la peinture. Il est vrai qu’il était bien pratique d’avoir un pinceau intégré à son corps, mais le Mangriff ne pouvait pas en faire autant. Il était donc plutôt frustré. D’autant plus qu’il peinait à tenir son pinceau et faisait quelque chose de bien abstrait, du niveau d’un enfant de maternelle. Le Queulorior ne semblait pas approuvé son art. Alors, courroucé, le Pokémon balafré attrapa la première chose qu’il vit pour la lancer en plein visage de l’artiste en herbe. Ce quelque chose était un pauvre Crèmy innocent qui était en train de peindre une jolie pièce montée de toutes les couleurs.

« La violence n’est pas autorisée ici. », lançais-je au Mangriff qui s’apprêtait à sauter sur le Queulorior avec colère.

Pour stopper ses instincts meurtriers, je n’eus d’autres choix que de lui lancer une Pokéball rapidement, puisque j’en avais quelques-unes sur moi au cas où – sait-on jamais – un dragon viendrait s’essayer à l’art, cet après-midi. J’avais désormais capturé le belliqueux, et la paix était revenue dans ce bar.

Cependant, alors que j’allais retourner auprès de ma partenaire de mission, le Crèmy qui venait d’être lancé en plein visage du Queulorior attrapa ma jambe, ne voulant plus la lâcher d’une semelle.

« Hum… Ne me remercie pas. C’est bien normal. »

Il continuait à tenir fermement ma jambe et à me regarder d’un air suppliant. Comme s’il souhaitait que je l’intègre à mon équipe. Mais… Je n’étais pas très à l’aise avec certains types de Pokémons. Et il en faisait partie. Je pouvais toujours le capturer et l’offrir à Soren, puisque j’y pensais précédemment. Mais il semblait très attaché à moi, car je l’avais plus ou moins sauvé.

Je lui montrai donc une Pokéball vide et son regard s’illumina. Il prit la Pokéball dans ses bras, chose que je n’avais jamais pu observer auparavant et… Je l’ouvris pour le capturer. Je n’étais pas très à l’aise avec l’idée d’avoir attrapé ce Pokémon qui m’appréciait déjà tant, pour l’offrir à quelqu’un d’autre mais… j’y réfléchirai plus tard. J’avais du travail pour ce soir.

« L’Atelier, maintenant. Mh… »

J’étais à la recherche d’idées, mais le Queulorior me dépassa puisqu’il tendit un pinceau à Camille pour qu’il s’y mette. Comme quoi, même si nous étions les organisateurs, il fallait que nous pratiquions également.

« Je devrais aller voir les clients qui sont assis et en train de boire pour leur demander de venir voir ce qu’on leur propose. Pendant que je serai là-bas, tu pourras rester ici pour animer. Je reviens très vite pour t’aider, lorsque des clients seront là. »

Nous avions déjà des clients Pokémons, mais l’atelier n’était initialement pas pour eux.

Je partis donc un peu plus loin, réfléchissant à une approche convaincante pour attirer des potentiels intéressés. J’espérais réussir à ne pas être trop froid ou inapproprié. J’avais conscience que je manquais parfois de chaleur.

Camille était partante pour la marche à suivre. Je n’avais plus qu’à discuter avec les clients en essayant de les convaincre de venir nous voir de plus près à l’atelier. Cependant, ma maladresse relationnelle et sociale allait certainement avoir raison de moi. Je n’avais jamais travaillé dans un bar, alors je me demandais si… c’était bien naturel, d’accoster des personnes ainsi. Je tentai tout de même le tout pour le tout et m’avançai en direction d’un homme et d’une femme d’âge mûr, leur lançant de but en blanc.

« Bonsoir. Vous aimez la peinture ? »

Bonsoir. Alors que nous étions en plein après-midi. Je ne remarquai mon erreur que trop tard. Et je ne pouvais pas rougir d’embarras, je me devais d’assumer. Alors je fixais le couple, essayant de sourire, même si forcer celui-ci était assez complexe, je dois dire. Lorsque cela ne venait pas naturellement… Cela paraissait faux.

Heureusement pour moi, le couple acquiesça, même si je sentis que je les mettais mal à l’aise, concrètement. Il fallait que je tente une approche différente. Sans plus attendre, je fis apparaître mon Mucuscule que je pris dans mes bras. Il était mignon. Il pouvait donc… attirer les gens. Je suppose.

Je tentai alors à nouveau d’attirer un groupe de personnes. Cinq jeunes femme d’une vingtaine d’années. Regardant fixement l’une des boissons posées sur la table, puisque… cinq pairs d’yeux, cela faisait beaucoup, et je ne voulais pas les dévisager, je pris la parole, d’une façon un peu moins forcée que la première fois :

« Bonjour. Nous animons un club de peinture. Cela… vous intéresserait-il ? », demandais-je en relevant le regard vers l’une d’entre elle, avant d’observer les autres à tour de rôle.

Etonnamment, les cinq demoiselles semblaient partantes et particulièrement euphoriques à l’idée de peindre.

« Bien. Suivez-moi. C’est un peu plus loin. », leur souriais-je ravi d’avoir réussi à attirer des clients sans trop de difficulté.

Sur le chemin, derrière moi, je pouvais entendre aisément les jeunes femmes murmurer quelque chose comme : « Il est trop mignon ! », « Tu as vu comment il m’a regardée ? », « Non c’est moi qu’il a vue en premier ! », « Eh, non, il sera à moi ! ». C’était… problématique. Alors je me retournerai brusquement et leur lançai froidement, sans le vouloir.

« Mon Mucuscule m’appartient. Et bien sûr qu’il est mignon. »

Ce que je ne savais pas, c’était que le groupe féminin ne parlait pas du Pokémon dragon, mais de moi. Mais je ne pouvais pas spécialement le deviner. En tout cas, elles firent une drôle de tête mais devinrent plus silencieuses jusqu’à arriver au niveau de Camille.

« Oh. D’autres clients sont venus également, à ce que je vois. »

J’observais distraitement ce que faisait Camille. De mon côté, je ne dessinais pour ainsi dire jamais. Et je ne préférais pas m’y essayer. Je pense être capable de peindre un mur de salle de bain, à tout hasard, mais cela s’arrête là.

Alors que je commençais à sentir d’autres regards admirateurs en direction de mon Mucuscule (même si en vérité, il s’agissait de moi), je murmurais à l’oreille de Camille, un peu embarrassé :

« Je crois… qu’on veut me voler mon Pokémon. »

Je le pensais sincèrement, alors je le gardai contre moi sans le lâcher. Il était rare, il est vrai. Mais pourquoi autant d’adoration ? Je ne comprenais pas.

Camille se mit à rire discrètement lorsque je lui confiai ma crainte, concernant Phanès. Je me demandais si par hasard, je ne serais pas paranoïaque. Je tenais beaucoup à ce Mucuscule et le sur-couvais beaucoup. Peut-être car il était le premier Pokémon que j’avais vu naître de mes propres yeux. Ou bien car il venait de Soren, et que je chérissais chaque cadeau qui m’était offert. Sans doute un mélange des deux. Alors je baissai légèrement les yeux, honteusement.

Pourtant, je pus distinguer quelques murmures qui me firent hausser un sourcil.

« C’est plutôt tes vêtements qu’ils veulent te voler, ouais. »

Est-ce qu’elle venait réellement de dire cela, ou avais-je l’esprit mal placé ? Dans tous les cas, mes joues se teintèrent d’une légère couleur rubis, tandis que je me massai les tempes. Tout ceci me donnait mal au crâne. Je n’étais pas venu dans un but romantique. Je travaillais. Et puis… Je ne voulais pas qu’on me vole mes vêtements non plus. J’allais attraper froid, par cette saison. Si par malheur on tentait de réellement me dérober ceux-ci… Je n’allais pas me laisser faire.

Ah. C’était… peut-être de l’humour de la part de la peintre. Peut-être que personne ne souhaitait dérober mes habits. Cela devait être simplement une expression pour dire que ces jeunes femmes avaient des vues sur moi. Embêtant. Je n’étais pas venu dans ce but. Et mon humeur du moment ne me permettait pas vraiment de faire des rencontres à but romantique.

« Oh. »

C’était la seule interjection que je pus oraliser. Avant qu’elle n’ajoute plus clairement que ça n’était pas mon Pokémon qu’elles trouvaient mignon. C’était embarrassant. Vraiment. Je n’aimais pas attirer l’attention plus que ça. Je fis pourtant de mon mieux pour continuer plus ou moins à animer l’atelier de peinture aux côtés de mon Queulorior, essayant d’ignorer les regards lubriques de certains ou certaines. Il y avait aussi quelques hommes, qui m’observaient. Je n’avais jamais remarqué de regards masculins sur moi, auparavant. Peut-être car je n’avais aucune connaissance de mon attirance pour la gent masculine, avant cet été.

La suite des opérations se déroula sans encombre. Nous n’allions pas tarder à pouvoir repartir en direction de nos habitats respectifs. Il était un peu tard, pour une jeune femme, pour repartir seule, dans des contrées sauvages. Ses Pokémons n’avaient pas l’air suffisamment forts pour la défendre, en cas de danger imminent. Peut-être avait-elle prévu de dormir chez une connaissance ? Ou bien de camper.

Lorsqu’elle m’annonça que le bar allait bientôt fermer, elle fut coupée par… eh bien je ne savais pas par quoi, à vrai dire. Je regardais également en direction de la fenêtre et une averse battait son plein. Le genre d’averse automnale qui pouvait durer toute une nuit. Une chance que je n’habite pas très loin. Camille, de son côté, ne semblait pas vraiment rassurée à l’idée de passer potentiellement une nuit sous la pluie.  Ce que je comprenais. Et… je ne pouvais pas laisser quelqu’un en détresse. Je sentais qu’elle était bien embêtée, par ailleurs.

« Si tu n’as nulle part où aller pour la nuit, j’habite à quelques minutes d’ici. A vol de dragon. »

J’avais également un parapluie et un imperméable à lui prêter, au cas où. Être trempé ne me dérangeait pas vraiment. Une fois à la maison, je n’aurais qu’à prendre une bonne douche bien chaude.

« Je peux te prêter une chambre, si cela te dit. »

Je lui souriais doucement, avant de commencer à ranger notre atelier rapidement et efficacement, pour ne pas traîner inutilement. Une fois que ce fut accompli, je me dirigeai vers une cabine pour me changer. Je remis donc mes vêtements de civil et… j’avais sorti mon imperméable. Il était jaune. Pratique pour être repéré de loin, même en pleine nuit sous la pluie.

Et lorsque Camille sortira de sa cabine, je lui tendrai pour qu’elle se prépare à affronter la tempête le temps de quelques minutes. J’allais faire en sorte que la Drattak aille vite pour que nous soyons le moins trempés possible. Il serait dommage d’attraper froid.