Anastasia poursuit ses découvertes audacieuses du monde qui l’entoure sur cette île avec toujours un peu plus de courage pour aller plus loin. Du moins elle veut croire que c’est la bonne explication, et pas de l’inconscience ou une mauvaise appréciation du danger. Après tout elle reste le plus souvent possible sur les routes bien tracées entre les villes, et y loge dès que possible, quand elle ne passe pas des jours entiers au campement de base ou dans ses proches alentours pour ne rien risquer du tout. Mais elle doit être honnête, son stock d’ingrédients pour ses parfums diminue à vue d’oeil quand elle passe son temps à créer de nouvelles choses sans s’approvisionner, et si elle ne va pas dans de nouveaux lieux encore inconnus elle n’aura à sa disposition que les ingrédients les plus communs. Il lui faut donc se faire violence.
Il est vrai qu’elle aurait pu choisir un autre lieu que celui-là, si proche de celui où littéralement elle a rencontré le pire danger de sa vie. Sa cousine disparue l’avait bien mise en garde pourtant, mais Anastasia s’était aventurée un peu loin de la civilisation et avait fait une très mauvaise rencontre avec une autre dresseuse dans ces plaines toujours brûlées. Ce pokémon prêt à tout réduire en cendres aurait pu leur faire passer un sale quart d’heure sans leur fuite précipitée.

Mais la jeune femme vient de nouveau dans un but précis, et pour une destination bien particulière. Elle s’efforce de marcher le plus vite possible jusqu’au bâtiment indiqué, sans regarder de tous les côtés pour ne pas se faire davantage peur, et parvient entière par miracle jusqu’à cette serre. Elle a failli ne pas croire sérieusement qu’une serre végétale puisse s’installer dans un tel lieu désert et aride, mais elle est bien là. Et tout ce qu’elle abrite avec.
Anastasia n’en finit plus d’admirer les plantes et toutes les merveilles du lieu, une aubaine pour un nez comme le sien, au point qu’elle manque presque le départ pour la mission qu’on confie aux visiteurs par ici. Cette tâche lui a tout de suite parlée, parce qu’en plus d’être une autre activité amusante ou vendue comme telle c’est aussi un acte de générosité. La jeune fille n’a jamais été particulièrement religieuse ou juste par habitude, mais elle sent bien que cela fait longtemps qu’elle n’a pas fait oeuvre de charité. Ce jour est l’occasion rêvée de réparer cela, et de vivre une nouvelle aventure avec son oeuf bleu accroché et protégé dans son dos.

Elle rattrape son guide presque en courant, et arrive devant l’homme qu’on lui présente pour qu’ils travaillent ensemble pour la journée. L’ancienne aristocrate lui adresse son plus beau sourire par politesse et pour commencer du bon pied, constatant qu’on lui présente sans doute un ouvrier vu le bétochef qui l’accompagne.
- Bonjour, enchantée ! Je m’appelle Anastasia, et lui c’est Arum. Je suppose que vous savez comment procéder pour ce dont nous sommes chargés ?

La jeune fille ne veut pas penser tout de suite à l’opinion que cet homme peut se faire d’elle, lui qui a l’air capable de la porter d’un seul bras matériel compris. Enfin, pour une fois elle est presque dans le ton ou assez crédible en dresseuse sérieuse. Au moins elle a un pantalon, pas des jupons de plusieurs couches, des bottes au lieu de talons, et ses longs cheveux sont soigneusement relevés en un chignon immaculé et compliqué autour de son visage. Dans son dos il n’y a que son oeuf et du matériel de survie en pleine nature, en plus de récipients vides si jamais ils tombaient sur de nouvelles senteurs pour ses parfums. Pour finir, son pokémon présenté comme étant Arum, un mélancolux enjoué qui agite son bras en guise de bonjour, est à la fois de type feu, capable de les éclairer avec sa flamme et incapable de sentir le froid. Ce qui s’explique en partie par le fait qu’il est peut-être mort. Si on en croit les rumeurs sur les spectres.

Anastasia n’est pas sûre de savoir comment interpréter l’expression ou plutôt l’absence d’expression sur le visage de cet homme en la découvrant, à part un air légèrement fermé sans doute de façon involontaire. Elle a parfois vu cela sur la figure d’hommes impressionnants par nature, avec une mâchoire un peu carrée par exemple. La jeune femme ne s’en inquiète pas vraiment, elle ne s’attendait pas à un long discours et on ne peut pas avoir des milliers de choses à dire à chaque inconnu qu’on rencontre sur cette île. Elle se doute que ce genre de profil, peut-être habitué aux travaux physiques avec un pokémon pareil, n’a pas l’habitude de disserter toute la journée.
Au moins il a le sens des politesses, et se présente ainsi que son bétochef, tout du moins c’est la conclusion la plus logique qu’on puisse tirer. Le sourire de la dresseuse s’accentue, pendant que son mélancolux renouvelle son geste de bras pour leurs deux interlocuteurs.
- Sterling, d’accord. Et ravie aussi de te connaître Blackbeard alors !

C’est drôle, ce surnom lui rappelle le langage de sa région d’origine. Elle a mis un moment à reconnaître le symbole sur le vêtement de cet homme, surtout parce que ça ne se fait pas de dévisager quelqu’un ou sa tenue, mais elle a fini par l’associer à la ville de Smashings.
- Oh, vous venez de Galar vous aussi ?

Pas le temps pour les mondanités apparemment, la jeune femme n’a plus qu’à attraper le matériel qui reste pour leur groupe et surtout ce qui doit être un plan enroulé. Un crabaraque plusieurs fois mentionné ici est supposé leur expliquer quoi faire et les assister au besoin, mais s’ils ont les instructions c’est sans doute bien aussi. Sterling est déjà loin devant le temps qu’elle le rattrape avec la partie du chargement qui lui incombe, et n’a pas répondu ce qui est sans doute aussi bien. Après tout, l’ancienne aristocrate n’est pas sûre qu’il faille poursuivre trop la discussion avec un habitant de Smashings, elle a entendu tant de choses sur cette ville où elle n’a jamais eu le droit d’aller.
Au moins cet homme-là a l’air gentil, et il participe à une bonne action alors il ne doit pas être bien méchant. Anastasia a eu au moins raison sur un point, avec un pokémon comme son bétochef Sterling sait exactement comment s’y prendre, aussi elle hoche la tête avec enthousiasme pour approuver le plan en déposant son chargement.
- C’est parfait ! Je vois sur les instructions qu’il faut accrocher ensemble les éléments végétaux pour faire des cachettes et une protection par-dessus les abris, je peux faire ça pendant que Blackbeard travaille.

Même avec les techniques d’un pokémon d’une telle espèce, faire du béton de rien et le façonner comme il faut doit prendre du temps d’après ses suppositions. La jeune femme compte bien se rendre utile et prouver qu’elle peut faire des choses de ses dix doigts, peut-être davantage à elle qu’à cet inconnu en réalité. Avant de s’attaquer à l’ouvrage elle fait glisser son paquetage de ses épaules et confie l’oeuf bleu aux bons soins de son mélancolux, qui les éclaire mais pourrait aussi avoir un effet positif sur le petit avec la chaleur de sa flamme. Et pendant ce temps rien dans son dos ne la gênera, elle peut donc attraper les premières branches et les façonner en fagots comme montré sur les illustrations sommaires. Mine de rien, faire des abris pour des pokémons qui peuvent être petits s’avère plus minutieux qu’on pourrait le croire de prime abord.

La jeune fille ne s’est donc pas trompée en croyant reconnaître l’emblème de cette ville. Elle est réputée mal famée et absolument pas convenable pour une aristocrate sans pokémon comme elle, aussi Anastasia ne pose pas davantage de questions en se mettant à l’ouvrage. Et comme on ne l’interroge pas non plus, la discussion se tarit un peu toute seule pendant que chacun oeuvre dans son coin. La dresseuse doit se concentrer sur son ouvrage pour ne pas faire des choses trop lâches de toute façon, et elle n’ose pas non plus déranger les ouvriers qui forment et façonnent du béton à partir de rien. Elle connaît peu les bétochefs, mais c’est peut-être un tort maintenant qu’elle en voit un à l’oeuvre.
L’harmonie entre ce dresseur et son pokémon fait plaisir à voir, ils sont si coordonnés dans leurs actions qu’une sorte de plan d’action se forme naturellement entre eux. Et en utilisant tous les atouts du pokémon ouvrier, c’est vraiment impressionnant. Il faut bien avouer qu’avec son propre mélancolux qui n’a que des semblants de bras et pas le début d’une main, c’est un peu plus compliqué d’exécuter les tâches précises dont ils ont la charge. Au mieux il peut tenir des choses pendant qu’Anastasia les assemble, ce qui ne l’empêche pas d’adresser un nouveau sourire lumineux à l’homme qui vient finalement voir s’ils ont besoin d’aide pour lui faire comprendre que tout va bien.
- Seulement nous indiquer où placer tout ça, et à quel moment si possible !

Sans en avoir l’air elle a parfaitement retenu l’histoire de timing par rapport à la prise du béton, et se tient prête à ficher les fagots de bois et de mousse qui ont été confectionnés dès qu’on le lui indiquera. Elle ne se relève qu’une fois l’ensemble de l’ouvrage achevé, pour constater qu’en unissant leurs efforts ce sont bien six petits édifices qui se dressent désormais. Ils n’auront même pas eu besoin de demander l’intervention du crabaraque des lieux finalement !
- Je crois qu'on a terminé non ? Je vais juste ajouter un peu de mousse, apparemment les cachettes doivent être les plus naturelles possible !

La dresseuse finalement enchantée de son atelier et de sa visite ici, qui a été aussi efficace que plaisante, vérifie également à quoi ressemble un abri occupé en y plaçant tout simplement son oeuf bleu pour juger de l’effet. Dans une autre cachette, elle trouve un laporeille aussi adorable qu’apeuré qui se cache derrière ses propres oreilles. Il doit avoir peur de voir autant d’étrangers près de son lieu d’habitation habituel, aussi la jeune femme le laisse tranquille en récupérant son bien. Les abris s’intègrent parfaitement au décor environnant, elle comprend pourquoi ils étaient nécessaires et pourquoi les coconforts nombreux dans le secteur les apprécient tant.
D’ailleurs, l’un d’entre eux s’écrase au sol juste au moment ils allaient partir. S’écrase un peu trop fort en fait, provoquant un cri à moitié dégoûté à moitié compatissant d’Anastasia qui ne pouvait pas avoir l’air d’une vraie aventurière jusqu’au bout. Elle vérifie d’autant mieux que son oeuf est de nouveau solidement accroché à ses épaules, elle en a déjà perdu un sur cette île ça ne va pas recommencer. Quant au laporeille, il était inquiet au début mais après avoir assisté à la mort d’un pauvre insecte il est sur le point de fondre en larmes. La jeune femme hésite, elle a déjà toute une équipe dont elle doit s’occuper et elle ne voit pas bien ce que l’adorable pokémon ferait avec ses parfums ou ses robes cousues main. Mais elle ne peut pas le laisser seul et tremblotant ici. Alors elle quitte la serre, Sterling et son bétochef avec son mélancolux, son oeuf bleu et un laporeille dans les bras.