Une silhouette encapuchonnée traversa Rive-du-Rêve d’un pas pressé, un matin de Décembre. La personne traversa quelques ruelles avant d’atteindre sa destination. Elle jeta furtivement un regard à droite, à gauche, puis derrière elle, comme pour s’assurer de ne pas avoir été suivie, avant d’entrer dans la boutique et de refermer la porte derrière elle. C’était une précaution un peu inutile : la ville avait pris son rythme hivernal. Les gens sortaient un peu moins et profitaient de la chaleur de leur foyer. Sauf ceux qui s’y étaient pris tard pour leurs achats de Noël, évidemment, mais ça n’était pas l’heure à laquelle ils se mettaient en chasse.
L’inconnue retira sa capuche, dévoilant une tête rousse et, dans le même temps, son identité. Les chevelures de feu n’étaient pas légion sur l’île. Aussi, la narratrice n’avait pas souvent l’habitude d’écrire pour discuter des aventures d’autres personnages que le sien. Sibylle, donc, s’avança dans l’établissement endormi. The Event Horizon était comme les retardataires des courses de fin d’année : il ne se réveillait pas avant l’après-midi. Mais son propriétaire, lui, était debout et prêt à accueillir son ami. En tout cas, il ferait mieux de l’être : la Kalosienne lui avait rappelé plusieurs fois l’heure de son arrivée avant de se mettre en route depuis Altaterra. Elle n’avait pas voyagé toute la nuit pour le trouver au lit.
“Toc toc toc ?” hasarda-t-elle à voix basse. Elle avait fait des efforts pour se montrer discrète jusqu’à présent, s’imaginant être un personnage dans un film d'espionnage. Ça n’était pas pour se mettre à crier maintenant.
Un "CLAC" sonore retentit dans le pub désert alors que le pistolet à air comprimé tirait. La fléchette en mousse fusa avec une précision quasi parfaite... et s'arrêta à quelques centimètres du front de la visiteuse, figée en l'air, avant de flotter en arrière, vers une table située dans un coin, où était assis le propriétaire des lieux, une tasse de café fumante dans une main et un pistolet en plastique orange fluo dans l'autre. A ses côtés se trouvait Castor le Séléroc, dont les yeux qui luisaient faiblement s'éteignirent lorsqu'il laissa tomber la fléchette sur la table. L'homme prit une gorgée de café avant de parler, les sourcils froncés.
_ Miss Vallis... Content de vous revoir... J'espère que vous avez apporté la marchandise...
Il se dérida enfin et afficha un sourire franc en se levant de sa chaise.
_ Petit café ? Deux sucres et un peu de lait c'est bien ça ? Sirius, tu veux bien ?
Le Spinda s'approcha de son habituelle démarche chaloupée, portant un plateau sur lequel une autre tasse de café avait déjà été préparée, sans en renverser une goutte comme à son habitude. Lucian attrapa la tasse en se baissant et la posa sur la table avant de tirer une chaise pour son amie.
_ Tu as fait bon voyage, Sib ? Si jamais tu veux faire une sieste tu pourras toujours squatter le canapé à l'étage. Mais plus important... Comment se passe notre mission secrète ?
Lucian avait pris un air mystérieux, comme s'ils étaient tous les deux impliqués dans quelque obscure machination et préparaient quelque chose de terrible. Ce qui était plus ou moins le cas. Il aurait préféré comploter à une heure un peu plus tardive de la journée, mais la discrétion était de mise alors il n'avait pas trop le choix. Il reprit une gorgée de café et attendit que son amie lui fasse part de ses trouvailles.
Sibylle sursauta en entendant le coup partir, et ferma les yeux. Mince ! Elle s'était compromise ? La jeune femme attendit le choc... en vain. Elle ouvrit un oeil et remarqua la balle en lévitation, puis Lucian, dans un coin presque sombre de la pièce, accompagné d'une tasse et d'un de ses Pokémon. Visiblement, sans se consulter, ils s'étaient mis dans la même ambiance chacun de leur côté. La Kalosienne se fit néanmoins la remarque que le tableau aurait été encore meilleur avec un chat à la place du caillou flottant. Elle allait répondre au barman sur le même ton que lui, mais il sortit de son rôle presque aussitôt pour lui offrir une boisson. Le commercial en lui primait sur l'acteur, semblait-il !
Elle allait lui faire un regard faussement sévère, histoire de lui signaler qu'ils étaient là pour parler business, "Monsieur Anderson", et pas pour siroter des boissons chaudes, mais son ami toucha en plein de cœur de sa cible lorsqu'il évoqua une sieste sur son canapé. Sibylle abandonna à son tour son personnage pour s'affaler sur la chaise offerte en soupirant, et sourit.
"Pas de refus, je suis cla-quée ! Il est trop tôt pour ses histoires, en plus il a fait super froid pendant le vol. T'as de la chance que je t'apprécie autant, tu le sais ?"
La jeune femme se réchauffa les mains sur la tasse. Aussi improbable que ça ait pu lui sembler quelques années plus tôt, Lucian avait réussi à la convertir au café. Franchement, ça, plus le voyage de nuit, c'était dire à quel point elle l'estimait ! C'était encore trop chaud pour qu'elle puisse le boire, mais ça soulageait tout de même son corps gelé. Néanmoins, il était temps de reprendre son visage sérieux.
"J'ai la marchandise."
Sibylla attrapa son sac à dos, et le posa solennellement sur la table, avant de l'ouvrir en plusieurs mouvements un peu raides. L'idée était de mimer une mallette qu'on ouvre à droite, puis au milieu, puis à gauche... Fatalement, avec une bête sacoche, l'effet rendait un peu moins bien, mais l'important était le contenu. Trois Pokéball se dévoilèrent face à Lucian. La jeune femme les sortit et les déposa dans l'ordre entre les deux négociants.
"Comme convenu, Monsieur Anderson. Ils sont à vous, pour la modique somme d'un Natu de cheveux."