Voilà que nous étions toutes deux dehors, dans la rue, au milieu des Rattatas et des quelques personnes qui flânaient en couple ou en groupe d’amis dans les rues sombres. La ville, plongée dans la nuit depuis belle lurette, n’était plus animée que par les rires et les éclats de voix enthousiastes des badauds. Tout comme Ewilan et moi, qui marchions bras dessus bras dessous ensemble.
Si on me demandait à cet instant comment je m’étais retrouvée là alors qu’on était au restaurant avant, je n’aurais pas su répondre. Mes pensées étaient un peu brouillonnes, mais je n’avais pas besoin de savoir ce qui s’était passé. Je passais un excellent moment en compagnie d’une personne extraordinaire, et c’était tout ce dont j’avais besoin. En témoignage de ma gratitude envers Ewilan, je lui avais offert un Pokémon au fort désir maternel. Si elle avait su s’occuper de mon cas, un Pokémon comme le Teddiursa que je gardais depuis cet hiver serait en de bien meilleure mains si elle s’occupait de lui.
« Je connais bien les restaurants, mais moins les hôtels. Je n’en connais que deux de nom. On les tente ? »
Je devais faire des efforts pour articuler. Entre mes zygomatiques engourdis et mes joues douloureuses à force de rire, me faire comprendre devenait plus difficile. J’avais l’impression de parler comme une poissonnière en heure de pointe à la criée ! Probablement que mes oreilles aussi fonctionnaient mal. Le premier hôtel était dans la zone commerciale. C’était le plus cher de la ville, à ce qu’il paraissait, mais il restait abordable. Rien à voir avec les prix inaccessibles de Rive-du-Rêve pour notre salaire à peine suffisant du Projet Ankora. Il fallait que je demande s’il y avait des cuisines.
« Ah mais Ewilan ! Est-ce qu’on a un œuf de Pokémon Feu ? »
Cette question venait de si loin… comment y avais-je pensé ? Il y a deux minutes, je ne me rappelai même plus pourquoi nous cherchions un hôtel. C’était assez mystérieux, mais pas plus mal.
On ne pouvait pas dire que Ewilan était en super état actuellement, avec tous les verres qu'elle avait dans le nez. Comme quoi, quand on était en bonne compagnie comme actuellement, c'était... compliqué de se retenir. Et en bonne compagnie, elle l'était, bras dessus bras dessous se gaussant comme une idiote avec Bleuenn qui visiblement, n'avait pas non plus une tolérance si folle que ça à l'alcool. Autant dire que les deux faisaient la paire.
- Je te laisses décider, on verra bien.
Au moins, elle savait où aller, ce qui était une bonne chose. Se déplaçant assez difficilement, Ewilan suivit sa nouvelle amie jusqu'à un hôtel somme toute assez classique. Bon sang, ça faisait un sacré moment qu'elle n'avait pas mis les pieds dans un bâtiment de ce genre, préférant largement la nature sauvage ou les Centres Pokémons, certes moins confortables mais bien plus pratiques. Autant dire qu'elle ne faisait pas la fine bouche et puis, c'était juste pour une nuit. Heureusement qu'il y avait deux lits d'ailleurs, au moins, il n'y aurait pas de question embarrassante.
Mais de toutes façons, il y avait un problème, un cas de force majeur, même !
- AH MAIS PUTAIN MERDE C'EST VRAI T'AS RAISON !!!
Bon sang, avec tout ça, elle en oubliait le but premier de leur arrêt ici. Elles voulaient voir si c'était possible de bouillir un œuf de Pokémon Feu. Ou quelque chose du genre. Elle ne savait plus trop. Mince alors ! Elle qui était si contente, la soirée s'en retrouvait pas mal gâchée. Pfft.
- C'est nul... Bon, je peux déjà te montrer mes Badges du coup..
Elle avait beau avoir l'esprit pas mal embrumé, elle n'en oubliait pas moins certaines choses. Et puis, pour une fois qu'elle pouvait flex sans retenue, elle n'allait pas s'en priver ! Sortant difficilement de son sac, il y avait tout un tas de boîtes. Chacune portant les Badges d'une région précise. Ces dernières étaient d'ailleurs très bien entretenues malgré les années. Il faut dire que c'était sa petite fierté et elle était contente de pouvoir les montrer. Malheureusement, car il fallait qu'il y ait un malheur dans cette journée... Voilà qu'elle se prenait les pieds à force de ne pas y voir correctement !
La suite ? La voilà rétamée, face contre le sol avec les boîtes qui venaient de lui échapper des mains.
- MERDE MERDE MERDE PUTAIN DE MERDE !!!
Il suffisait de faire le calcul... Voilà qu'il y avait soixante-quatre Badges qui venaient d'être perdus dans la chambre d'hotel et qu'il allait falloir retrouver et trier. Tout ça par deux filles complètement pompettes... Ça promettait.
C’était raté pour l’omelette de Feu, mais pas pour la soirée. Si notre oubli commun me faisait rire comme une greluche attardée, l’histoire des badges d’Ewilan avait capté mon attention. Dans l’état où j’étais, pensée et action étaient toutes deux dissociées et brouillée. Et Ewilan n’était pas moins maladroite que moi : elle renversa sa boîte de badge sur le sol, les éparpillant tous au sol.
« Et zut ! Plus qu’à -hic- tous les ramasser ! »
Je rougis d’avoir émis le si honteux hoquet de l’ivresse, et me baissai aussitôt pour ne pas m’attarder dessus. Evidemment, un de mes genoux dérapa, me faisant tomber au sol. Mais cela me fit seulement glousser de plus belle, riant de mon manque d’adresse. En me redressant, je m’aperçus qu’un badge s’était collé sur la paume de ma main. Coloré, en relief, il venait de Kalos, celui-là ! Il y avait de l’eau qui coulait dans une sphère en verre.
« C’est la Frescale, celui-là ? Oh non… Il n’y pas d’arène là-bas, c’est ça ? »
C’était là-bas que j’étais partie en vacances avec mes parents, lors d’un hiver, pour aller skier. J’avais bien aimé ce sport, et j’avais vite progressé ! Mais je n’en avais pas fait depuis cette époque bénie. Je ne me rappelais même plus du nom des pistes que j’avais empruntées. Peut-être qu’Ewilan en avait aussi fait !
Plus qu'à tout ramasser, qu'elle disait l'autre, hic. Bah ouais, forcément, c'était super simple, en étant à moitié bourrée, de retrouver des dizaines de bouts de métal dans une pièce comme ça. Et elle n'avait même pas son Magnéti avec elle pour l'aider. Bon sang, ça allait être fun, tout ça. En plus, voilà que l'autre commençait à délirer.
- Hein ?... Non, non c'est pas la Frescale... C'est l'Iceberg... De Auffrac-les-Congères ou je sais plus quoi...
Quel nom à la mord moi le nœud quand même, pour une petite ville. Sérieusement, ils ne pouvaient pas faire plus compliqué, encore ? Déjà que la pauvre Ewilan avait pas toute sa tête... Dans tous les cas, la recherche des badges était assez compliqué comme ça et Ewilan n'arrêtait pas de se cogner la tête ou se gausser comme une idiote. Et visiblement, on ne pouvait pas dire que son amie était en meilleur état.
- Gngngngngn... Pourquoi il rentre pas celui-là hein ? Ah putain, c'est pas le bon trou...
Toujours en parlant des badges, bien sur, Ewilan râlait sur le fait qu'elle avait trop de badges. Que c'était trop compliqué de tous les garder et qu'en plus, ça mettait un temps fou à se nettoyer ces machins en ferfraille ! Sérieusement, quelle corvée. Et si elle donnait quelques-uns à Bleuenn, elle avait l'air de les trouver jolis, après tout non ?
Non, non... Ce n'était définitivement pas une bonne idée, surtout qu'elle refuserait probablement. Et puis hey ho, c'était ses badges à elle, qu'elle avait accumuler au fil des ans comme une droguée allant chez son dealer à négocier toujours les prix. Bon sang, qu'est-ce qu'elle racontait djéà ? Ah oui, trop de badges, pas assez de temps... Ca lui donnait une idée tout ça.
- Ah, j'ai une idée ma petite Bleuenn... Viens par là une seconde.
Qu'est-ce qu'elle allait trouver comme idée de génie encore ? Attendant que son amie se rapproche d'elle, assez lourdement vu sa démarche, Ewilan farfouillait dans son sac à la recherche de quelque chose, jetant tout un tas de truc au travers de la pièce à mesure qu'elle le cherchait. Elle espérait juste que sa lampe n'atterrisse pas en pleine tête de Bleuennn...
- Ah, voilààààà ! C'est pour toi ça ma chérie. Prend le comme un remerciement pour l'œuf et pour sceller notre amitié.
Une Pokéball. Qui n'était pas vide bien sûr. Il y avait là-dedans un Pokémon dont elle n'avait pas le temps de s'occuper et qui, au final, était trop douce et fragile pour elle. Peut-être qu'il irait mieux avec une dresseuse comme Bleuenn ? Elle l'espérait !
- C'est une Flabébé à l'intérieur. Tu verras, elle est toute mignonne, elle s'appelle Flora. Et pas de mais, elle est à toi maintenant !
La géographie de ma région peinait à apparaître dans mon esprit. J’étais perdue, Aufrac-les-Congères n’était qu’une masse brumeuse dans mon esprit. C’était une ville importante, mais où était-elle ? « Pfrt ». Je n’arrivais même plus à garder mes pensées pour moi, je parlais sans filtre.
J’eus le malheur d’avoir une musique un peu entraînante en tête. Après quelques années de danse, les rythmes musicaux déclenchaient toujours en moi l’envie de me dandiner. Mais en cet instant, j’aurais mieux fait d’éviter : à quatre pattes, je remuais mon bassin et mes épaules comme le fils du Roi Némélios dans le dessin animé. Cambrée comme un Shaofouine en plein étirement, je devais paraître bien ridicule, surtout que mon fredonnement n’avait rien de cohérent. Par contre, j’en oubliais totalement ce que je faisais. Alors quand Ewilan me tendit un œuf, je tombais des nues : que faisais-je ici déjà ?
« Oh ! C’est gentil ! Un Flabébé ! Comme c’est mignon ! Bonjour toi ! »
Il tenait une fleur bleue, c’était adorable ! Alors que j’approchais mon doigt d’elle, je me fis gifler par un Fouet Lianes. Après quelques secondes d’hébétude, je la fis rentrer dans sa Pokéball. La rencontrer dans cet état était peut-être la pire idée possible... Entre les gestes maladroits et l’haleine avinée, l’image que Flora devait avoir de moi devait être bien mauvaise.
« Je l’ai vexée, je crois, hihihi ! »
Sacré cadeau pour sceller une amitié ! C’était sans doute un bon moyen de me remettre les idées en place. L’avenir avec ce Flabébé s’annonçait mouvementé ! Assise en tailleur, je posai la Pokéball sur mes jambes. Cette position me fit puérilement penser que dans cette position, on pouvait croire que j’avais pondu la capsule, ce qui me fit partir dans un nouveau fou rire.
Ewilan se pliait en deux, en voyant l'attitude que prenait actuellement Bleuenn. La voilà qui était en train de se la jouer féline à se mettre à quatre pattes en dandinant son bassin et ses épaules, cambrant même tout son corps. Bon sang, avec l'alcool qui embrumait son esprit, voilà que Ewilan avait des idées de choses à faire avec Bleuenn pour le reste de la nuit qui ne seraient très certainement pas aux goûts de cette dernière. Non, il fallait qu'elle se contienne, ce n'était pas une perverse voyons ! Enfin, il n'y avait rien de mal à imaginer des choses, tant que ça ne sortait pas de son esprit, pas vrai ?...
- Miaouuuu...
Jouant un peu le jeu de son amie, voilà qu'elle la rejoignait dans son délire, se mettant elle-même à quatre pattes, adoptant une attitude féline qui lui allait plutôt bien, en fait. Imitant quelque peu un Chacrpan, là voilà qui agitait ses mains telles des patounes en ronronnant avant de s'approcher et... lécher la joue droite de son amie avant de se coller à elle.
- Tu verras, elle est très gentille, je suis sûre que vous allez devenir de super copines.
Reprenant un peu contenance, Ewilan se rendit compte de ce qu'elle venait de faire à l'instant et riait comme une idiote. Décidément, cette soirée était assez bizarre... Mais elle était loin de se terminer, étant donné l'idée de génie qui venait d'apparaître dans son esprit, alors que Bleuenn imitait la ponte d'un œuf, ce qui fit éclater de rire Ewilan.
- Je sais, on a qu'à faire un action ou vérité ! T'en dis quoi ?
Deux jeunes femmes seules et complètement torchées qui allaient s'adonner à un action ou vérité dans une chambre d'hôtel ? Qu'est-ce qui allait pouvoir mal se passer, franchement ? Dans tous les cas, Ewilan considérait qu'il s'agissait là d'une idée de génie et elle n'allait pas laisser trop le choix à la femme aux cheveux rouges.
Dans la brume qui entourait mon esprit, l’attaque Léchouille que je subis de la part d’Ewilan me fit l’effet de deux sœurs félines prenant soin l’une de l’autre. Une marque d’affection presque familiale, qui, en d’autres circonstances et surtout dans un état plus sobre, m’aurait glacé le sang. Cette vision tactile de l’amitié n’était pas… habituelle, pour moi.
« On verra hihihi ! »
Mais n’y voyant que du feu, je poursuivis le jeu en approchant mon épaule d’elle pour la frotter et miauler à mon tour. C’était un jeu si stupide, si puérile mais si… libérateur ! Pouvoir se comporter comme une enfant, sans l’ombre de souvenirs douloureux, sans le regard réprobateur des autres… Ewilan était aussi hilare que moi. En toute honnêteté, je me sentais bien, à l’aise, avec elle.
« Oh oui ! Chouette jeu ! Alors… imite un Dedenne ! »
C’était le premier Pokémon qui m’était venu en tête. Citrine était encore présente dans mes pensées, même quand elle était dans sa Pokéball. La prestation d’Ewilan, dont les mouvements étaient décoordonnés par l’alcool, me fit partir dans un nouvel éclat de rire. Elle n’avait pas du tout le corps rond que j’imaginais pour un Dedenne, ce qui donnait une vision désopilante.
Au moins la précédente action d’Ewilan, de lécher assez fortement la joue de son amie ne semblait pas la déranger plus que ça. Au contraire, elle semblait très jouasse à rire comme une pure idiote. En même temps, on ne pouvait pas dire que de son côté, Ewilan était en meilleur état. Ah ça, elle était bien contente que personne ne la voit dans cet état, toute sa réputation de dresseuse sans peur et sans reproche volerait en éclat. Seigneur Arceus, que rien de cette soirée ne sorte de cette chambre, s’il vous plaît !
- Bien sûr, aucun problème Bleuenn !
Imiter un Dedenne ? Hum, ça promettait d’être marrant ! Ainsi, Ewilan se mit dans une position similaire à celle d’une souris toutes dents dehors et avec les mains en avant, Ewilan marchait de manière un peu bizarre, essayant d’imiter la façon de se déplacer de ses Pokémons afin de trouver quelque chose à manger. Ho, une Baie Amer dans son sac ! Parfait. Grignotant cette dernière, telle une souris, Ewilan faisait de son mieux, bien que cette dernière était fort peu agréable à manger. Brrr. C’était dégueulasse !
- Dedenne, dedenne !
Imitant également le bruit mignon d’un Dedenne, Ewilan faisait de son mieux pour satisfaire la requête de son ami et finit par arriver à son niveau, réclamant des caresses et des patpat sur la tête en se frottant à elle de manière toute mignonne. Hey ho, elle avait bien le droit non ? Restait encore à voir la réaction de la jeune femme suite à cette demande d’affection !
- Pour ton action… Hum… Je sais ! Ce sera pas pour tout de suite, mais dès qu’on aura l’occasion, tu devras m’accompagner pour une soirée au casino ! Ça sera trop drôle !
Ah ça, c’est clair que ça promettait de belles choses d’aller au casino avec sa super copine Bleuenn. Ewilan avait déjà hâte d’y être.
- À moi, ayons le goût du risque : Action aussi ! Alors qu’est-ce que tu vas me sortir comme action ?
Elle se débrouillait bien. Est-ce je lui avais déjà présenté Citrine ? Ma Dedenne était si affectueuse qu’elle ne supportait pas de rester seule. Elle était toujours agrippée à quelqu’un. Ewilan le savait-elle, ou tous les Dedennes agissaient-ils ainsi ? Mes souvenirs de la journée étaient un peu trop flous pour que je puisse avoir une réponse. Je me contentai de gratouille le ventre d’Ewilan et de masser ses joues comme je le faisais avec elle, en émettant des gazouillis gagas.
Puis quand ce fut à mon tour, Ewilan reprit son sérieux quelques secondes, le temps de réfléchir. Ce silence soudain, même s’il était bref, me fit réaliser à quel point je fatiguais. A vivre comme une grand-mère aigri ces dernières années, je n’étais plus habituée aux longues soirées.
« … tu devras m’accompagner pour une soirée au casino ! Ça sera trop drôle ! »
Le casino ? Il y en avait un à Ankora ? En tant qu’ermite déprimée, je ne m’étais pas tenue au courant de grand-chose… La perspective de dilapider toutes mes économies dans des jeux d’argent ne me paraissait pas très reluisante, mais y aller avec Ewilan… ça valait le coup. Maintenant que j’avais découvert cette femme incroyable, je ne voulais plus la lâcher.
« C’est promis ! »
Je lui tendis le petit doigt, pour qu’elle le serre et scelle cette promesse. Dès qu’elle le fit, je miaulai d’approbation, puis réfléchis aussi bien que je pus à son prochain gage. Est-ce que je manquais cruellement d’imagination ? Peut-être bien… il me fallait ajouter ce défaut à ma liste.
« Encore une action ? Moi ce sera vérité pour la prochaine. Alors… mets une bouteille sur ta tête et fais dix pas ! »
Ainsi, Bleuenn acceptait la sortie au casino pour la prochaine fois ? C'était parfait ! Ewilan avait tellement hâte d'y être. Il faut dire que ça promettait d'être beaucoup trop drôle à faire ! Honnêtement, si Ewilan avait été en état actuellement, elle aurait pris son amie par le bras pour y aller directement. Mais il y avait de fortes chances qu'elles se fassent recaler à l'entrée vu leur état respectif.
Tant pis.
- Ok ça me va ! Go !
Une bouteille hein ? Très bien ! Pour ajouter du piment à la chose, et sans vouloir se blesser non plus, Ewilan prit une bouteille de grenadine qu'elle avait dans son sac et l'ouvrit avant de la poser sur sa tête. Comme ça, si elle tombait, pouf ça lui referait les cheveux ! Ce serait bien plus amusant comme ça et c'est donc d'un air déterminé mais qui trahissait son niveau d'alcoolémie que la jeune femme entreprit de faire le défi.
Un cloche-pied. Puis deux...
Et pouf ! Voilà que tout lui tombait sur la tête !
- Aîe ! C'est que ça fait mal cette connerie... Hihihi, t'as vue ? J'ai les cheveux tous rouges comme toi maintenant !
Bon, ils n'étaient pas totalement rouges il était vrai et le rendu était assez bizarre au final. Mais ça l'amusait beaucoup, bien que sa tenue était désormais bon pour un lavage express. En tout cas, elle ne pouvait s'empêcher de rire, alors que le cadavre de la bouteille traînait misérablement sur le sol...
- Une vérité hein ?...
C'était beaucoup moins amusant qu'un gage certes. Mais bon, il fallait jouer le jeu et changer un peu ! Hum, il fallait trouver une question rigolote... Ah ! Tapant dans sa main avec son poing fermé, Ewilan venait d'avoir une idée de génie et se gaussait comme une greluche en imaginant déjà la tête de Bleuenn.
- Dans mon cas je choisirai aussi vérité... Et pour celle que tu dois me dire...
Faisant durer le suspense, c'est un sourire pervers qui se dessina sur le visage d'Ewilan alors qu'elle annonça la sentence à la pauvre Awlyre.
- Tu dois me raconter dans les moindres détails ton plus gros fantasme sexuel !
La brume dans mon esprit s’épaississait. J’avais beau être tordue de rire devant Ewilan, je ne pus m’empêcher de bailler. Une intense odeur d’alcool vint chatouiller mes narines, sans pour autant que je réalise que mon état n’était pas des plus lucides.
Le spectacle de mon amie dégoulinante d’un liquide visqueux qui la teintait avait ce caractère désopilant que je n’aurais pas su expliquer. A moitié effondrée au sol, les bras me tenant les côtes, je cherchais à retrouver ma respiration.
« Le rouge te va bien au teint hihi ! Tu me laisserais m’occuper de tes cheveux, un jour ? Si tu as un rendez-vous avec ta petite amie, promets-moi de venir me voir avant ! … Ah, oups, c’est pas à ton tour. »
Et la vérité que m’imposait Ewilan n’était pas anodine. Me redressant sur mes genoux – avec difficulté, étant donné mon état – je pris quelques secondes pour réfléchir. Avec l’alcool qui m’imbibait, je ne songeais pas une seule seconde à cacher ce genre d’information. Je retirai mes chaussures, puis une chaussette. Sans explication, je pris mon pied nu, dont la manucure soignée n’avait pas souffert de la journée dans mes bottines.
« Les pieds. Ils me font vibrer. »
Je mimai l’action de masser ma plante des pieds et… et je m’endormis. La sensation de bien-être fusa à mon cerveau, donnant le coup de grâce à mon état d’éveil déjà bien amoché. Je sentis tout juste le mur contre lequel je m’écroulais avant le noir complet.
Cela faisait longtemps que Ewilan n'avait pas rigoler comme la dernière des bécasses lors d'une soirée avec une amie comme ça. Si au début de la journée, on lui avait dit qu'elle la finirait à l'hôtel avec celle qui était désormais une de ses meilleures amie à rigoler comme une idiote avec de la grenadine sur la tête, elle n'y aurait pas crût une seconde !
- Hihi, paris tenu ! Mais bon, je suis moche et sans charme, donc d'ici à ce que je trouve une copine, sans doute que je serais vieille fille...
Passant d'un tat à l'autre, voilà que Ewilan commençait à déprimer de nouveau... Avant d'éclater de rire sur la réponse et l'action qu'entreprit Bleuenn. Ahahah, les pieds ! Son plus gros fantasme, c'était les pieds ! Et voilà qu'elle se dénudait le sien en disant une réplique digne d'un mauvais porno. Décidément, cette fille était impayable, c'était la meilleure !
- Pfouahahaha. Je t'adore Bleuenn. C'est décider, je vais créer ton fanclub !... Bleuenn ?
Cette attitude, les yeux fermés... Et ce petit ronflement... Voilà qu'elle dormait ? Le pied nu comme ça, en plein milieu de la discussion ? Franchement... C'était vraiment une phénomène celle-là.
- Hihihi, zut ! Je suis toute seule maintenant. Ah je sais, faisons lui du bien !
Après tout, elle lui avait dit que les pieds ça la faisait vibrer ! Rigolant comme une idiote, Ewilan s'approcha alors de son amie et prie délicatement le pied nu de cette dernière entre ses doigts... Avant de le masser avec beaucoup de tendresse et, il fallait le dire, une pointe d'énvie peu respectable étant donné son état et celle de son amie. Non, il fallait qu'elle se contienne. Et puis, ses paupières étaient lourdes. Très lourdes...
Tenant tant bien que mal comme elle pouvait, Ewilan s'afféra donc à masser consciencieusement le pied de Bleuenn pour qu'elle se sente bien... Avant de tomber elle-même dans les affres du sommeil. Autant dire que le réveil du lendemain, avec Ewilan tenant son pied tandis que son visage était contre sa jambe, sa bave filant sur le genoux de la pauvre Bleuenn allait être... amusant.