Mon rapport avec les Rangers était… chaotique. Il n’avait pas démarré sur le bon pied, depuis qu’ils avaient oublié de me monter une tente le soir de mon arrivée. Ma nuit debout dans un endroit inconnu, frôlant l’incendie à cause de Pokémons Feu enrhumés, avait entamé les hostilités. Ils s’étaient fait pardonner en m’accordant une semaine de répit pour mon installation. Mais ils s’étaient amusés ensuite à m’envoyer faire une récolte toute seule dans un marais dégoûtant, et maintenant ils m’assignaient une mission d’étude dans les égouts. DANS LES EGOUTS ! Répugnant, écœurant, dangereux. Qui sait quel Pokémon Poison pouvait nous rendre malade, en plus du milieu hautement toxique et des hordes de rats qui devaient y vivre. Je les imaginais pulluler à l’abri de la lumière et de la présence humaine. Je frissonnai de dégoût.
Devant moi se tenait la personne qui avait été désigné comme étant notre guide : un homme, plutôt jeune, plutôt sombre, à l’air un brin blasé. A côté de moi, c’était un autre homme, habillé de manière… voyante. Son apparence était surchargée de détails et de couleurs, bien trop pour moi, même si j’y percevais une forme d’ordre et de… d’accordance ?
J’avais des doutes sur l’humeur générale de notre groupe. Je passai une main dans mes cheveux pour me distraire. Citrine pourrait nous servir à avoir un peu de lumière, si jamais c’était sombre. Et ce serait sombre, évidemment. Mais les Rangers m’avaient dit qu’ils n’avaient jamais croisés de Spectres là-bas. Blague ou non ? Je doutais…
Dernière édition par Bleuenn Awlyre le Jeu 8 Avr - 22:05, édité 1 fois
Une étude dans les égouts ? J'avais déjà pu les visiter une fois et de ce dont je me souvenais, cela ne sentait pas bon et c'était très salissants. J'avais du coup prévu le coup en choisissant des vêtements "vieux" ou du moins auquel je tenais moins. Alors certes, ce n'était pas aussi harmonieux qu'en temps normal, mais ça ferrait bien l'affaire. Heureusement, les bijoux, eux, je peux les garder, car ils se lavent bien.
Pour une fois, Margarita ne m'accompagnait pas. Je ne savais pas trop comment aller se passer cette étude et j'avais quelque peu l'angoisse qu'elle tombe à l'eau ou perdre sa perle dedans. C'est donc Bloody Mary qui trottait à mes pieds, avide de finir ce travail pour vite avoir sa paye : À manger ! En tant que Rattata, je la voyais tout indiquée pour nous guider où nous défendre en cas de besoin.
Je devais faire équipe avec deux autres personnes. Une femme et un jeune homme. Bien. Je saluai les deux avec un large sourire et un coucou de la main, les bracelets cliquetant au geste.
"Hey hey ! Moi c'est Wesley, mais vous pouvez m'appeler Wes', c'est plus rapide. Bleuenn et Ambroise, je suppose ? Enchanté ! Prêt à vous boucher le nez et marcher dans les déchets ? ~"
Et oui, j'avais jeté un coup d'œil curieux à ceux avec qui je devais être pour voir si c'était des gens que je connaissais déjà, mais nom. Bleuenn d'ailleurs, c'était peu commun comme nom ! Avait-elle que des pokémons bleus du coup ? Cela serait marrant ! Ah, mais j'en oubliais presque le principal ! Je désignais la Rattata au ruban qui attendait, assise, son petit nez tressautant alors qu'elle flairait les odeurs autour d'elle sûrement à la recherche de quelque chose à grignoter.
"Ah, je vous présente aussi Bloody Mary. J'ai pensé qu'elle pourrait nous être utile. Ne vous inquiétez pas, elle ne mord pas ! Enfin, pas tant qu'on a de quoi la nourrir."
La sentez-vous cette rance odeur de putréfaction viciée ? Elle irrite vos narines et vous inflige une de ces quintes de toux… Voici l’âcre arôme, les terribles fragrances, le parfum violent des égouts de Bourg-Asque, pour notre plus grand plaisir. Dégustez, je vous en prie, messieurs, mesdames.
Escorté par Artémise, sa Scrutella, qui était confortablement installée dans son sac, Ambroise rejoignit à contre-cœur ses collègues de mission aux délais fixés par les Rangers, ce n’était ni la tâche la plus adéquate pour maintenir propre sa garde-robe, ni le lieu qui prélude aux grandes rencontres. Les circonstances plaçaient notre homme dans une position inconfortable ; aussi, il garda la mine interdite et renfrognée, du moins pendant un temps.
En effet, à sa droite se tenait une damoiselle accorte, qui ne devrait pas avoir sa place, ici, dans cette infecte déchetterie, et à sa gauche, un individu haut en couleur et tout en truculence ! Brillant par son grand sourire et son humeur joyeuse et ce, malgré la puanteur ambiante, ce dernier ne manquait pas de bonne volonté, si bien que le natif de Volucité afficha l’esquisse d’un sourire.
« Bien le bonjour à vous aussi. Notre escadrille semble complète. Enchanté de faire votre connaissance, je suis bel et bien Ambroise, et vous devez être Wesley et Bleuenn. Tenez, voici quelques masques respiratoires. Nous ne sommes jamais trop prudents. Quant à la litière de déchets tapissant ce cloaque, j’espère qu’ils ne maculeront pas tant nos vêtements. »
Cela dit, l’Unysien avait jeté son dévolu sur la simplicité pour cette excursion dans ces souterrains malfamés, pour justement se préserver lui-même du contact répugnant des saletés locales.
« Et content de te connaître, Bloody Mary, dit-il après avoir distribué lesdits masques. Le flair d’une Rattata nous sera très utile pour nous orienter au cas où. »
Au loin, se fit entendre un grincement, un cri ou, qu’importe, un bruit à vous pétrifier.
« Visiblement, la faune locale entend nous réserver un accueil triomphal. Je suis déjà venu ici, cet hiver. J’imagine que je ferai office de guide pour cette fois. Sur ce, nous pouvons circuler. »
Les présentations me donnèrent l’impression que Wesley (enfin… Wes) était le plus enthousiaste de nous tous. C’étaient peut-être ses couleurs ou ses bijoux bruyants qui donnaient cette impression d’énergie. Je lui jetais un coup d’œil en coin, pour l’observer furtivement tandis que nous nous enfoncions dans les ténèbres. Son visage ne trahissait pas d’émotion particulière si ce n’est de la concentration. Mais cet homme avait vraiment un aspect… hors du commun.
Son ou sa Rattata filait devant nous, accompagnée par Ambroise, qui nous menait. J’étais à la traîne, mais sans le vouloir. Ma lenteur trahissait les précautions que je prenais pour chaque pas. J’évitais comme je pouvais les éclaboussures de souillures, mais la pénombre commençait à se faire trop dense.
« Citrine, tu veux bien nous faire un peu de lumière, s’il te plaît ? »
Je lui chuchotais ces quelques mots à ma petite Dedenne perchée sur mon épaule, alors que le bruit des flots sales couvrait ma voix. Elle m’entendit toutefois, et s’illumina. Sa lueur était faible, mais elle assurait une vision claire pour le mètre devant moi. Elle gazouilla, contente d’elle, tandis que je lui donnais une baie Mepo, sa préférée, pour la remercier.
Toutefois, ce que je vis, bien que dans ma mission, ne me réjouit pas le moins du monde. Un Rattata tirait une boîte de conserve pour qu’un Cheniti qui se roulait au sol ne le prenne pas. Immonde. Tout simplement immonde. L’insecte était recouvert d’une pellicule luisante de gras, probablement issu de ce qui était charrié à la surface des canaux. Je frissonnai de dégoût tout en réprimant un haut-le-cœur. L’odeur, déjà difficilement surmontable, me parut soudainement insoutenable.
Je souriais à la présentation de mes camarades, récupérant avec plaisir le masque qui m'éviterais les odeurs les plus nauséabondes. La Rattata en revanche n'écoutait pas, bien trop occupée à observer chacun, laissant son flair lui désigner qui avait de quoi la nourrir ou non. Avec elle, tout fonctionner en fonction de son estomac. Quand elle eue la réponse à sa question, elle prit les devants avec Ambroise que je suivais, Bleuenn restant un peu à la traîne.
Sur le chemin, un Rattatac nous bloquait l'un des passages tel un agent de sécurité en faisant grincer ses grosses dents en signe de menace alors qu'un Barloche barbotait, la tête piégée dans une bouteille. Je quittais un faible instant le groupe pour aller donner un peu d'aide à l'animal, quitte à en mettre les mains dans l'eau, aidé du peu de lumière qu'offrait d'un coup l'animal sur l'épaule de Bleuenn. Le poisson libéré, je m'approchais d'elle et lui désignait la bouteille, lâchant une blague nulle, certes, mais qui avait pour but d'essayer de la détendre un peu. Bon, l'étiquette étant toute crasseuse, on ne pouvait même pas savoir ce que refermait la bouteille avant de finir dans l'eau croupie des égouts mais pourquoi pas penser à quelque chose de bon et cher comme du champagne ?
"Hey, je t'offre un coup à boire ? Champagne croupie du verger des égouts ! "
Devant nous, Bloody Mary s'était arrêté, d'autre membres de la même espèce s'apprêtant à se battre devant nous. Elle n'avait nullement envie d'en faire partie sauf si elle y gagnait quelque chose à manger bien sûr.
D’expérience, Ambroise savait qu’il était sage de ne surtout pas se mêler des affaires locales, sauf en cas de nécessité. Les conflits entre Rattatas trahissaient, semble-t-il, une pénurie en matière de denrées alimentaires, conséquence logique des efforts menés par les autorités insulaires pour sensibiliser les populations coloniales sur le gaspillage des produits de bouche et sur la politique de recyclage en vigueur. Fatalement, les petits rongeurs, réduits aux conflits intestins, se révèlent être les grands perdants de cette guerre de ressources alimentaires.
Toutefois, un obstacle se dressait sur le chemin du trio. Un obstacle de taille. Un obstacle particulièrement odorant, sombre et belliqueux. Un Rattatac d’Alola. Encore une fois, l’intuition du Topdresseur lui suggérait d’ignorer cette menace… d’envisager une confrontation armée, ou de présenter un tribut, une offrande, une aumône pour apaiser la colère des propriétaires des lieux. Il se tourna vers Bleuenn, une beauté tout-à-fait délicate qui n’aurait clairement pas sa place dans un endroit aussi sale, sordide et insalubre, mais que Wesley Evans prenait visiblement plaisir à taquiner en lui proposant une bouteille immonde. Cet humour, assez potache, ne s’attirait pas l’approbation du natif de Volucité. Souhaitant maintenir la concorde au sein du groupe, il ignora poliment cette plaisanterie.
« Dis-moi, Bleuenn… D’abord, j’espère que je n’écorche pas ton prénom, fit l’Unysien. Je voudrais savoir ce que tu en penses. Que devrait-on faire, selon toi ? Je donne de la nourriture à ce Rattatac d’Alola pour le rassurer sur nos intentions, on l’ignore ou je le mets ko ? »
Trois propositions soumises à la Kalosienne, assaillie par l’attention des deux jeunes hommes. De toute évidence, la troisième alternative présageait d’un certain embarras de la part du Topdresseur.
Wesley, et Ambroise aussi… tous les deux s’affairaient aussi à l’étude. Je n’étais vraiment pas assez à l’aise pour prendre des notes sur la situation. J’essayai d’incruster un maximum d’informations dans ma tête pour en faire un rapport décent pour les Rangers une fois que nous serions sortis. Après tout, il paraît qu’on se souvient mieux des choses quand elles sont associées à une émotion forte et… le dégoût que j’éprouvais actuellement, entre l’odeur infecte, les immondices qui circulaient à côté de nous, et l’allure des Pokémons allait très certainement rester ancré longtemps dans ma mémoire.
Wesley apporta près de moi une vieille bouteille. Qu’il avait repêchée dans le canal. La seule main que je voyais à la lumière de Citrine était couverte d’une pellicule humide et grasse, tout comme la bouteille. J’eus un violent haut-le-cœur lorsqu’il la plaça devant mes yeux, que j’essayai de réprimer comme je pus. Mais sa blague, en revanche, était drôle. J’essayai de recomposer un visage correct pour lui répondre.
« Ahah ! Avec plaisir, plus qu’à pêcher… n’importe quoi pour un petit dîner festif dans le plus romantique des endroits ! »
L’une de mes paupières tressaillait, trahissant le fait que je me forçais beaucoup trop à adopter une attitude amicale à cause de la répugnance que j’éprouvais. Je tournai vivement la tête de côté pour qu’il ne s’en aperçoive pas. Et… je tombai presque nez à nez avec un Tadmorv. Coloré, celui-là. Il avait l’air de tellement baver… Est-ce qu’il allait bien ? Ambroise m’interpella à peu près ce moment-là. Je ne savais pas quoi faire ce Tadmorv étrange. Je le signalerai dans le rapport… peut-être qu’un Ranger viendrait le soigner.
« Tu peux m’appeler Blue si c’est trop dur pour toi. Et de quel Rattatac tu p… »
En suivant son regard, je vis un rat énorme. Il était vraiment vraiment gros. Et menaçant. J’inspirai un peu trop fort, ce qui me fit tousser. J’avais l’impression d’être souillée de l’intérieur.
« Euh… on peut sinon faire demi-tour… il y a beaucoup de Pokémons sur notre chemin… je ne sais pas si c’est une bonne idée de passer en force… Et encore moins de le nourrir, au risque d’en attirer d’autres… »
La demoiselle fit remarquer qu’un passage en force ou que la transmission d’un tribut seraient deux mauvaises idées, d’après elle. Surtout, elle émit un souhait particulier : quitter cet endroit qui n’avait l’heur de plaire à personne ici - et à juste titre !, faire demi-tour, en somme. Ambroise songea qu’une pareille opportunité - déguerpir des lieux - ne devrait pas être écartée. Aussi, il posa une nouvelle question, de manière à vérifier le ressenti de la jeune femme, dont la paupière frétillait, et qui avait toussé suffisamment fort pour que le Topdresseur s’interroge sur son état de santé, physique et mental. De manière générale, la présence d’un aussi grand nombre de toxines autour de son Dédenne, Pokémon de Type Fée, ne pouvait qu’aggraver l’inconfort de cette situation.
Ce qu’Ambroise comprenait, assez facilement. Disons que les égouts d’Ankora ne sentaient guère l’odeur de la myrrhe, pour rester tout-à-fait diplomate et poli, et que la mauvaise haleine des conduits de canalisation présageaient d’un nombre d’infections bactériennes, dont on se dispenserait volontiers.
« On peut partir d’ici, oui, rétorqua l’Unysien tout de go, si vite que ses partenaires de mission comprendraient facilement qu’il n’appréciait pas spécialement cet endroit, lui aussi. Il suffit que je prévienne les Rangers que tu ne te sens pas si bien, je ferai un rapport de mon côté. »
Certes, c’était peut-être hâtif de sa part d’évoquer immédiatement la conclusion de cette mission, mais est-ce qu’il y avait intérêt à se mettre martel en tête avec cette dernière, au risque de s’exposer à un danger croissant ? Autant rester prudents et opter pour un retrait raisonnable des lieux.